PROFESSIONS SOCIALES | NORD - PAS-DE-CALAIS | 15/04/2014
Une enquête révèle le malaise des assistants sociaux de l’Education nationale
La
démarche est annoncée comme une première : le SNUAS-FP (Syndicat
national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique)-FSU de
l'académie de Lille a rendu publics, mardi 15 avril, les résultats
d'une enquête sur les risques psychosociaux liés à l'exercice du métier
d'assistant de service social de l'Education nationale."La diffusion en
CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) des
travaux de l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la
prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) a
attiré notre attention sur l'opportunité de s'investir, à titre
syndical, dans l'évaluation et le chiffrage de la souffrance au
travail", explique Nathalie Gaultier, secrétaire académique du SNUAS-FP.
Le
syndicat s'est donc inspiré des travaux de l'INRS pour élaborer un
questionnaire sur les conséquences des conditions de travail des
assistants sociaux de l'Education nationale sur leur santé.Anonyme,
celui-ci a été diffusé en juillet 2013 dans l'ensemble des services
sociaux de l'académie.Sur un total de quelque 220 personnels qui
interviennent auprès des élèves ou des personnels (les assistants
sociaux auprès des étudiants n'ont pas répondu en raison d'une période
de surcharge), 30 % ont répondu, dont une grande majorité (92 %)
intervenant auprès des élèves.
Première cause de malaise, le manque d'effectifs
Les
résultats sont très préoccupants : 60 %des personnels du service social
en faveur des élèves disent avoir "ressenti le besoin de prendre un
arrêt de travail en lien avec une fatigue ou une souffrance au travail"
(40 % pour ceux du service social auprès du personnel) et seulement 7 %
"ne se sentent pas actuellement en souffrance au travail". A l'origine
de leurs difficultés apparaît, en premier lieu, le manque d'effectifs.
Au sein du service social en faveur des élèves, 82 % des assistants
sociaux exercent dans deux à trois établissements et 68 %interviennent
dans des secteurs de plus de 1 000 élèves."Nous avons perdu 5 % du corps
sous le quinquennat précédant", précise Nathalie Gaultier, alors même
que les besoins sociaux s'accroissent."Selon le bilan social de
l'académie, la proportion de familles bénéficiaires du RSA est deux fois
plus élevée qu'au plan national, soit 111,8 pour 1000",
illustre-t-elle. Cette surcharge a des conséquences sur les partenariats
externes, les liens avec les enseignants, le temps accordé au synthèses
de situation. "Soit on craque, soit on prend sur notre temps personnel
!", témoigne Nathalie Gaultier.Selon l'enquête en effet, 86 % des
assistants sociaux travaillent hors des "horaires de référence" et 91 %
ramènent du travail ou consultent leur messagerie à domicile.
Des conditions matérielles stressantes
Pour
l'ensemble des répondants, les conditions matérielles d'exercice
représentent une source de stress : 93 % des assistants de service
social qui interviennent auprès des élèves prennent leurs frais de
déplacement à leur charge et 77 % estiment que les informations et
formations nécessaires à leur pratique est insatisfaisante.Contrairement
à la circulaire du 11 septembre 1991 qui définit les missions et le
fonctionnement du service social de l'Education nationale, 38 % ne
disposent pas "des conditions matérielles de confidentialité" et ... 14
%n'ont pas d'armoire fermant à clé.
L'exposition
à la violence dégrade également les situations de travail.Parmi les
assistants sociaux du service social en faveur des élèves, 72 % ont subi
des agressions verbales (pour 35 % d'entre elles issues des personnels
de l'Education nationale) et 7 % révèlent avoir été victimes
d'agressions physiques (dont 5 %de la part des élèves). Au total, un
quart des assistants sociaux interrogés éprouvent un sentiment
d'insécurité.
Sentiment de non-reconnaissance
A
ces difficultés s'ajoute un sentiment de non-reconnaissance, en partie
lié à un manque de valorisation statutaire (maintien dans la catégorie
B).Un quart des personnels interrogés se sent "maltraité", "aucun
assistant social du service social en faveur des élèves ne se sent
identifié auprès du DASEN (directeur académique des services de
l'éducation nationale) et du recteur" et 58 % "considèrent que leur
hiérarchie technique ne perçoit pas la réalité du terrain".
Un
bilan bien sombre, qui amène le syndicat à réclamer auprès du rectorat
"un plan rapide de mesures concrètes et un plan de prévention
opérationnel à court terme".Le SNUAS-FP s'apprête à généraliser au plan
national l'enquête expérimentée dans l'académie."Elle va se dérouler
dans les autres académies d'ici le mois de mai ou juin, puis les
résultats seront agrégés et analysés au plan national pour l'automne",
explique Samuel Delepine, secrétaire général du SNUAS-FP-FSU.L'enjeu,
poursuit-il, est d'"alerter le ministère sur les mauvaises conditions
d'exercice" des quelque 2 700 assistants sociaux du service social en
faveur des élèves, auxquels s'ajoutent 250 autres qui interviennent
auprès des étudiants et 300 auprès des personnels. "Pour les rentrées
2013 et 2014, 100 créations de postes au sein du service social en
faveur des élèves ont été annoncées, ce qui est insuffisant au regard
des besoins et des 50 postes perdus pendant le quinquennat précédent",
explique le secrétaire général du SNUAS-FP, qui plaide pour la présence
"d'un assistant social en établissement prioritaire et d'un assistant
social pour deux établissements, dans la limite de 1500 élèves". Le
syndicat compte aussi peser sur la réflexion du groupe de travail
portant sur le service social dans le cadre des travaux sur l'évolution
des métiers de l'Education nationale, lancés par l'ancien ministre
Vincent Peillon.
Article rédigé par Maryannick Le Bris