Élèves en difficulté, l’aide sociale touche le fond
Laurent Mouloud
Jeudi, 15 Janvier, 2015
L'Humanité
À
défaut de fonds sociaux, les trois ou quatre euros quotidiens de
restauration scolaire deviennent un luxe que de plus en plus de familles
démunies risquent de ne plus pouvoir se permettre.
Destinés
à épauler les familles pour payer la cantine ou les sorties scolaires,
le budget des fonds sociaux alloués par l’État aux collèges et lycées
s’érodent depuis des années. Une restriction discrète et problématique
alors que le nombre d’élèves et les situations de détresse se
multiplient.
Les situations d’urgence non prises en chargee se multiplient
La baisse de ces fonds sociaux a été particulièrement marquée sous la droite. Avec des années noires. En 2011, ils ont diminué parfois de 50 %, voire 70 % dans certains établissements. Au Havre, se souvient Sébastien Léger, responsable de la FCPE en Seine-Maritime, 22 élèves de première S du lycée Claude-Monet n’avaient pas pu participer au voyage scolaire dans les Alpes, faute d’aide financière aux familles. Une première depuis des décennies. L’année suivante, toujours compte tenu de la faiblesse du montant des fonds sociaux (3 273 euros pour tout l’établissement !), vingt-huit familles du collège Politzer d’Évreux n’avaient pas été en mesure de régler la facture de la demi-pension pour le premier trimestre...Et aujourd’hui ? «La situation budgétaire n’a pas vraiment changé, estime Sébastien Léger. La seule nouveauté est que les chefs d’établissement ont intégré le fait qu’il y a moins, voire plus du tout de fonds sociaux à disposition... Résultat : les tarifs des voyages scolaires sont à la hausse et, au final, ce désengagement de l’État retombe sur les épaules des familles modestes. » Dans les collèges notamment, là où le montant des bourses sociales est le plus bas (84 euros par an au premier échelon), les situations d’urgence non prises en charge ont tendance à se multiplier. « Même dans mon établissement, qui n’est pourtant pas en éducation prioritaire, je constate cette dégradation, relève Nathalie Hennequin. De plus en plus de familles ne paient pas la cantine, misant sur le fait qu’on ne va pas interdire à leur enfant de manger. Malheureusement, cela se termine parfois avec un recouvrement d’huissier. » À défaut de fonds sociaux, les trois ou quatre euros quotidiens de restauration deviennent ainsi un luxe que de plus en plus de familles risquent de ne plus pouvoir se permettre. Pour les élèves, les solutions seront alors simples : manger dehors à moindre frais, si c’est possible, ou ne pas manger du tout. « Or, pour beaucoup d’enfants, le repas de la cantine est le seul repas équilibré de la journée », souligne Grégoire, un assistant d’éducation qui travaille dans un collège de région parisienne. Lui a remarqué une autre conséquence déplorable du manque de fonds sociaux : la difficulté d’organiser des sorties ou des voyages scolaires. « Ces sorties sont censées faire découvrir autre chose que l’école à des enfants qui ne sortent pas de leur quartier. Mais vu le manque d’aide, j’ai remarqué que ceux qui pouvaient partir, au final, étaient les élèves dont les familles ont les moyens et qui font déjà des sorties culturelles en dehors du collège...» Même si cela ne relève pas directement de leur compétence, les collectivités locales tentent souvent de pallier ce désengagement progressif de l’État. Les aides au transport ou à l’achat des manuels scolaires sont assez courantes. Mais avec de vraies inégalités. Non seulement entre territoires riches et moins riches, mais aussi entre collèges et lycées. « Les départements, qui ont la charge des collèges, n’ont pas les mêmes moyens financiers que les régions, qui gèrent les lycées, souligne Philippe Lalouette, du Snasub-FSU. Il y a donc une vraie fracture entre ces deux types d’établissements, les premiers ne recevant parfois aucune aide supplémentaire, contrairement aux seconds. » Une situation qui pourrait encore s’aggraver avec la baisse annoncée des dotations de l’État aux collectivités. Et dont les élèves les plus démunis seront les premiers à faire les frais.
Deux fonds sociaux pour aider les familles
Derrière le vocable de fonds sociaux se cachent, en fait, deux fonds sociaux. Le premier – fonds social pour les cantines – a été mis en place pour faciliter l’accès à la restauration scolaire du plus grand nombre de collégiens et de lycéens, et ainsi éviter que certains enfants se trouvent privés de repas parce que leur famille ne parvient pas à prendre en charge les frais de restauration. Le deuxième fonds social est destiné à faire face aux situations difficiles que peuvent connaître certains élèves ou leurs familles pour assurer les dépenses de scolarité ou de vie scolaire. Ces aides exceptionnelles sont financières ou en nature.
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